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23 juillet 2011 6 23 /07 /juillet /2011 13:00

Les pronoms personnels et les pronoms relatifs renvoient généralement à des noms, auxquels ils se substituent si aucune ambiguïté ne peut naître de cette substitution. Mais l’emploi de ces substituts grammaticaux demande de l’attention, de la précision. En ce domaine comme en d’autres, les écrivains et les traducteurs ne font pas toujours un travail soigné, comme en témoignent les extraits qu’on va lire.

Au cours de leur entraînement initial de cent jours, les agents James Adams, douze ans, et sa coéquipière Kerry Chang, onze ans, ont été lâchés en pleine jungle par leurs instructeurs : « James inspecta le contenu de son sac à dos. Il était beaucoup trop lourd. À l’évidence, il ne pouvait pas tout emporter. […] Il décida de conserver le rouleau de sacs-poubelles. Il ne pesait presque rien, et il était bien placé pour savoir qu’il pourrait leur rendre de nombreux services. » (Antoine Pinchot traduisant Cherub, Mission 1 : Cent jours en enfer ; par Robert Muchamore, éditions Casterman, 2007 ; réédition au format de poche, p. 215.)

Le lecteur anglais du texte original distingue immédiatement les he des it. Pour le lecteur français, le traducteur aurait été bien inspiré de remplacer le deuxième pronom il de la dernière phrase de ce passage par le nom James : « Il ne pesait presque rien, et James était bien placé pour savoir qu’il pourrait leur rendre de nombreux services. » Les deux il restants peuvent renvoyer sans ambiguïté au groupe nominal « rouleau de sacs-poubelles », le pronom leur représentant clairement les noms James et Kerry ensemble.

« James sentit une boule grossir dans sa gorge. Il avait joué à Clark la comédie de l’amitié. Il n’était qu’un pion dont il s’était servi pour mener à bien sa mission. » (Cent jours en enfer, p. 373.) Très peu clair. Le premier il de la dernière phrase représente Clark, le second représente James.

Ici, en revanche, ça passe : « James souleva son couvercle. Le riz était un peu sec, mais il était si affamé qu’il le trouva délicieux. » (Cent jours en enfer, p. 181.)

L’extrait que voici est à peine plus ancien :

« C’est à ce moment que Desplechin lui exposa son projet [= à Michel Djerzinski]. Il pouvait obtenir la création d’un poste de contractuel dans son unité de recherches de Gif [= Gif-sur-Yvette] ; il faudrait que Michel acquière quelques notions complémentaires en biochimie, mais cela pourrait aller assez vite. En même temps, il superviserait la préparation de sa thèse d’État ; une fois cette thèse obtenue, il pourrait prétendre à un poste définitif. » (Michel Houellebecq, Les particules élémentaires, éditions Flammarion, 1998 ; réédité dans la collection J’ai lu, p. 126.) Dans la dernière de ces phrases, le premier il renvoie au professeur Desplechin, tandis que le second il renvoie à Michel Djerzinski (et c’est lui qui doit préparer une thèse d’État).

 

Cela dit, je ne voudrais pas donner l’impression que je n’aime pas le style de Houellebecq. Au contraire. Cet écrivain, peintre de la mondialisation économique et de la réification des rapports humains, est le grand maître de la litote et l’inventeur d’un style narratif nouveau, burlesque et poétique à la fois. Certaines pages des Particules élémentaires méritent d’être apprises par cœur.

 

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