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8 août 2018 3 08 /08 /août /2018 00:01

Chez un classique pleinement maître de sa langue, même le syntagme « un troupeau de… » peut entraîner la mise au pluriel du verbe, comme le montre ce splendide passage de Chateaubriand, où sont fustigés les révolutionnaires devenus louis-philippards :

« Quoi ! l’Europe bouleversée, les trônes croulant les uns sur les autres, les générations précipitées à la fosse le glaive dans le sein, le monde en travail pendant un demi-siècle, tout cela pour enfanter la quasi-légitimité ! On concevrait une grande République émergeant de ce cataclysme social ; du moins serait-elle habile à hériter des conquêtes de la Révolution, à savoir, la liberté politique, la liberté et la publicité de la pensée, le nivellement des rangs, l’admission à tous les emplois, l’égalité de tous devant la loi, l’élection et la souveraineté populaire. Mais comment supposer qu’un troupeau de sordides médiocrités, sauvées du naufrage, puissent employer ces principes ? À quelle proportion ne les ont-elles pas déjà réduits ! elles les détestent et ne soupirent qu’après les lois d’exception […]. » (F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, livre XXXIV, chapitre XIII ; extrait d’une lettre adressée à la duchesse de Berry.) « Ces principes » : la liberté politique, la liberté et la publicité de la pensée, etc.

Troupeau fait habituellement prédominer l’idée d’unité sur celle de pluralité, mais le pluriel suggère ici que le mot signifie : troupe désordonnée, désunie.

 

Mais comment voulez-vous que le syntagme « un groupe de… » puisse être légitimement suivi d’un verbe au pluriel ? L’auteur qu’on va lire, et qui appartient au XXIe siècle, n’est pas bon grammairien.

Août 1982 : « Au Liban, la Force multinationale, composée de soldats français, américains et italiens, se déploie à la fin du mois d’août. Un détachement de légionnaires du 2e REP [= régiment étranger de parachutistes] a été envoyé quelques jours auparavant en éclaireur pour sécuriser l’évacuation des quinze mille combattants palestiniens. Un groupe de tireurs d’élite du GIGN, arrivés par avion spécial via Nicosie, complètent le dispositif. Ils sont notamment chargés de “nettoyer” les abords du port de Beyrouth, devenu un véritable traquenard, avant l’exfiltration de Yasser Arafat, que les Syriens et les Israéliens considèrent comme un ennemi à abattre. » (Vincent Nouzille, Les tueurs de la République : Assassinats et opérations spéciales des services secrets ; éditions Fayard, 2015, p. 104.)

« Groupe de tireurs » est traité comme signifiant la pluralité, alors que, juste avant, « détachement de légionnaires » a été traité comme une notion massive. Pour ma part, si j’avais été correcteur pour Fayard, j’aurais proposé : « Un groupe de tireurs d’élite du G.I.G.N., arrivés par avion spécial via Nicosie, complète le dispositif. Ces hommes sont notamment chargés », etc.

 

On peut aller plus loin, et trouver qu’il est absurde de dire : « Un groupe de chevaux s’est échappé » ; « Une forte concentration de particules fines s’est répandue dans l’air » ; en effet, dès lors que les particules se sont diffusées dans l’air, elles ne forment plus une « concentration » ; et je ne suis pas sûr que des chevaux qui s’échappent restent longtemps en groupe. Il faudrait dire : des particules fines se sont répandues dans l’air, des chevaux se sont échappés, quinze chevaux se sont échappés, etc.

Gardons à l’esprit le principe suivant. Si nous constatons, en nous relisant, que la structure nom + complément du nom a produit un énoncé confus, nous avons tout intérêt à refaire la phrase en évitant cette structure.

Simple habitude à prendre.

 

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