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24 avril 2016 7 24 /04 /avril /2016 15:37

Pour une enfance heureuse, du docteur Catherine Gueguen, est un livre divisé en neuf parties. La quatrième partie s’intitule « Cerveau et stress chez l’enfant » (mais la formule est équivoque : elle laisse entendre que, chez l’enfant, il y a du cerveau comme il y a du stress…). L’auteur y explique que le stress peut endommager le cerveau des enfants, pendant la vie intra-utérine et dans les premières années de la vie. Dans l’extrait que vous allez lire, deux lacunes nuisent à la clarté syntaxique :

 

« Le tempérament de l’enfant et la façon d’être des parents interagissent en permanence. Le tempérament de l’enfant retentit sur le comportement des parents avec lui et réciproquement. […] / Mais le tempérament de l’enfant, son entourage affectif, social n’expliquent pas à eux seuls cette capacité de résilience si différente d’un enfant à l’autre. Beaucoup de découvertes ces dernières années ont montré que la génétique intervient aussi dans cette faculté à surmonter les épreuves. » (Catherine Gueguen, Pour une enfance heureuse : Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau ; éditions Robert Laffont, 2014, collection Pocket, p. 177.)

 

Les lacunes à combler se trouvent au milieu des zones que j’ai mises en gras. Commençons par examiner la deuxième. Je propose de corriger ce passage au moyen d’un participe passé : « Beaucoup de découvertes faites ces dernières années ont montré que la génétique intervient… » ; car nous sentons que le complément circonstanciel « ces dernières années » se rapporte au nom découvertes, plutôt qu’au verbe « ont montré » (donc n’écrivons pas : « Beaucoup de découvertes ont montré ces dernières années que la génétique intervient… »).

Pour combler la première lacune, trois possibilités se présentent. Le simple ajout d’une virgule : « cette capacité de résilience, si différente d’un enfant à l’autre » ; l’ajout du pronom qui et du verbe être : « cette capacité de résilience, qui est si différente d’un enfant à l’autre » ; ou encore la transformation du groupe nominal COD en une subordonnée complétive : « le tempérament de l’enfant, son entourage affectif, social n’expliquent pas à eux seuls que cette capacité de résilience soit si différente d’un enfant à l’autre ». Les pages qui précèdent les paragraphes cités m’incitent à pencher pour la dernière solution (puisque Catherine Gueguen cherche à répondre à la question : Parmi les gens qui ont vécu des expériences traumatisantes durant la petite enfance, pourquoi certains n’en gardent-ils aucune séquelle alors que d’autres en sont marqués à vie ?).

La virgule qui sert à unir deux adjectifs, remplaçons-la par une conjonction de coordination : « son entourage affectif et social ».

Ajoutons encore un hyperonyme, pour assurer une meilleure transition entre les noms tempérament et entourage et le syntagme « eux seuls » : « Mais le tempérament de l’enfant, son entourage affectif et social sont des facteurs qui n’expliquent pas à eux seuls que cette capacité de résilience soit si différente d’un enfant à l’autre. »

Alors on s’en tiendrait là ?

Pourtant, je suis gêné par un autre détail encore. Entre le groupe « tempérament de l’enfant » et le groupe « d’un enfant à l’autre », toute transition est absente. La phrase nous fait passer brutalement du mot enfant, employé comme terme générique, au même mot enfant, désignant cette fois un individu particulier. On pourrait le mettre au pluriel dans la première partie de la phrase : « le tempérament des enfants, leur entourage affectif et social sont des facteurs qui… ». Évidemment, le problème se résoudrait de lui-même si l’on supprimait simplement le syntagme qui clôt la phrase : « Mais le tempérament de l’enfant, son entourage affectif et social sont des facteurs qui n’expliquent pas à eux seuls cette capacité de résilience. »

Quant au mot de résilience, importé des États-Unis dans les années 1990, les spécialistes savent qu’il ne recouvre aucun concept clinique réellement nouveau. Malheureusement, ce terme franglais s’est trop profondément ancré dans l’usage pour qu’on puisse espérer le remplacer par une périphrase relevant du français le plus clair. Quoi qu’il en soit, les cerveaux ne doivent pas être seuls à faire preuve de résilience. Pensons à notre langue, dont la syntaxe nous demande tant de soins et de précautions. Apprenons à forger des phrases qui résistent aux chocs et se défendent d’elles-mêmes contre toute lecture hâtive ou mal intentionnée. Apprenons à écrire en une langue élastique et solide, – en un français résilient.

 

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