Drieu la Rochelle a-t-il emprunté au Malraux de L’espoir l’usage de ces répliques notées « – … », que j’ai examinées dans Les maladies du dialogue de roman (1) ? Son roman de 1943, L’homme à cheval (éditions Gallimard), nous en fournit quelques exemples.
Page 100 du volume de la collection Folio (1973) :
Isabel eut un moment d’hésitation. Je m’efforçai de prendre un air indifférent, qui la fit sourire. Elle reprit :
– Elle [= doña Camilla] avait reçu un billet qui l’avait bouleversée. Et, [sic] c’est après cela qu’elle avait décidé d’aller au palais.
– …
– Je ne sais de qui était le billet.
– Vous croyez qu’elle a su que Conception serait exhibée comme elle l’a été ?
Elle fit un geste d’incertitude, mais je vis qu'elle le croyait.
Page 118 :
Quand [Conception] fut sortie, [Jaime] resta muet.
– Camilla t’aime, finis-je par dire.
– …
– Elle t’aime, elle est désespérée. Elle ne comprend pas.
– Tu comprends, toi ?
– Je crois comprendre. Je crois comprendre ce qui s’est passé entre vous, mais non ce qui s’est passé au palais.
Quelques décennies plus tard, le procédé est adopté par Patrick Modiano, par exemple dans le chapitre V de Livret de famille (éditions Gallimard, collection NRF, 1977, p. 50, puis Folio, p. 59) :
De temps en temps, mon père ouvrait la bouche et attrapait au vol une pastille qu’il avait lancée en l’air d’une pichenette de l’index. Il se leva, prit sa vieille serviette noire et en sortit un dossier dont il tournait [sic : temps mal choisi] les feuilles, lentement. Et il soulignait des lignes au crayon.
– Dommage que nous n’ayons pas trouvé une paire de bottes à ta taille, dit pensivement mon père en levant la tête de son dossier.
– …
– Mais Reynolde t’en prêtera.
– …
– Et le pantalon de cheval ? Tu crois qu’il t’ira bien ?
– Oui, papa.
Que devons-nous conclure de la lecture de ces extraits ? Qu’une astuce, une marque de désinvolture ou d’irréflexion, a reçu la caution de quelques écrivains de valeur.