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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 15:39

Au pluriel, l’article indéfini apparaît sous sa forme pleine, qui est des, ou sous sa forme réduite, qui est de (ou d’ s’il y a lieu de faire l’élision de la voyelle).

 

Voici des phrases où l’emploi de la forme réduite de cet article ne se justifie pas :

« Elle n’a pas l’intention d’avoir d’enfants pour le moment. » (Michel Houellebecq, Plateforme, Flammarion, 2001 ; réédité dans la collection J’ai lu, p. 196.)

Le seul choix possible n’était-il pas entre « d’avoir un enfant » et « d’avoir des enfants » ? Ne fallait-il pas résister à la tentation d’adopter ici la forme réduite de l’article indéfini ?

Victor Volodine vient d’engager son compatriote Igor Markish pour qu’il conduise durant la nuit son taxi parisien : « Igor et Victor n’éprouvèrent pas le besoin de signer de contrat. Ils ont topé et ils se sont embrassés. » (Jean-Michel Guenassia, Le club des Incorrigibles Optimistes, éditions Albin Michel, 2009 ; le Livre de Poche, p. 166.) C’est exactement la même construction que dans l’extrait tiré de Plateforme. J’aurais mis : de signer un contrat.

Est-ce la succession de plusieurs de qui nous gêne ?

Le problème serait-il d’ordre plutôt stylistique que grammatical ?

Les phrases suivantes ne me paraissent pas incorrectes, et pourtant il y a en elles les mêmes détails qui perturbent la lecture :

« Vivant dans ce département depuis toujours abandonné, laissé à l’écart qu’est la Creuse, il n’avait presque pas eu l’occasion de photographier d’inaugurations de bâtiments, ni de visites d’hommes politiques d’envergure nationale. » (Michel Houellebecq, La carte et le territoire, éditions Flammarion, 2010 ; collection J’ai lu, p. 38.)

Laissons de côté la virgule fâcheusement omise après « à l’écart ». Pour éviter la succession des de (tantôt forme réduite de l’article indéfini, tantôt préposition), j’aurais mis : « il n’avait presque pas eu l’occasion de photographier les inaugurations de bâtiments, ni les visites d’hommes politiques d’envergure nationale ».

« Je pourrirai à l’ombre des grands hêtres et des sapins, moi qui, enfant, dans la pente du pré Saint-Martin […], aimais tant observer, jour après jour, la décomposition d’insectes au fond de rigoles et de flaques étincelant au crépuscule comme des feuilles d’or sur le crâne d’un roi mort. » (Richard Millet, La fiancée libanaise, Gallimard, 2011, collection NRF, p. 13.) On a ici affaire à la forme réduite de l’article indéfini, mais ayant  fusionné avec la préposition de.

On peut écrire : « la décomposition des insectes ». Mais je penche pour une autre transformation : « la décomposition d’insectes au fond des rigoles et des flaques », puisque ces noms sont suivis d’un participe présent qui en restreint et en précise la signification.

 

Dans d’autres circonstances, on emploie des là où il faudrait un simple de : « Il n’est donc pas surprenant que François Furet ait dépoussiéré des “hommes complets” comme Tocqueville et Guizot, qui avaient été à la fois journalistes, historiens et hommes de gouvernement, mais que les historiens “méthodistes” ne considéraient pas comme des véritables savants. » (Gérard Noiriel, Dire la vérité au pouvoir : les intellectuels en question ; éditions Agone, 2010, p. 186.) Mais de cela j’ai déjà parlé ailleurs.

 

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