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30 mars 2015 1 30 /03 /mars /2015 18:39

4. Dernières observations

 

Il arrive que la construction se révèle illogique alors que l’orthographe a été respectée :

« Un des aspects qui ont le plus frappé les premiers lecteurs de La Modification, le plus scandalisé certains [sic], ç’a été la longueur de ses phrases. » (Michel Butor, Improvisations sur Michel Butor : L’écriture en transformation ; éditions de la Différence, 1993, repris dans la collection Minos, 2014, p. 105.) Un écrivain de la stature de Michel Butor aurait dû écrire : « Un des aspects qui ont frappé les premiers lecteurs de La Modification, l’aspect qui a le plus scandalisé certains d’entre eux, ç’a été… »

Il faut supprimer « le plus » dans le premier segment et ajouter dans le deuxième : « l’aspect (au singulier) qui a ». Enfin, il n’est pas mauvais d’insérer « d’entre eux » après certains.

 

Chez Bouveresse aussi, orthographe respectée, construction illogique :

« J’ai évoqué la façon dont la plupart des auteurs postmodernes donnent l’impression de s’évertuer à rendre la plus instable et la plus insaisissable possible – quand ils ne proposent pas de l’abandonner purement et simplement – la distinction entre le vrai et ce qui est reconnu et désigné comme vrai par des sujets connaissants et parlants donnés à une époque et dans une culture données. Un de ceux qui ont excellé jusqu’à la virtuosité dans ce genre d’exercice me semble être précisément Foucault. » (Jacques Bouveresse, Ce que des auteurs infréquentables ont à dire à ceux qui ne veulent pas leur ressembler, texte d’une conférence prononcée le 17 mars 2011 lors d’un colloque consacré à Spengler ; publié dans la revue Agone, n° 48, 1er trimestre 2012, p. 181.)

Bien sûr, d’un point de vue strictement grammatical, l’accord est correct. Mais considérons la signification de cet énoncé. Bouveresse admet que, si plusieurs auteurs ont essayé de saper les fondements de la notion de vérité, un seul d’entre eux aura excellé jusqu’à la virtuosité dans cet art. Exceller jusqu’à la virtuosité est ici le propre de Foucault, et c’est en quoi Foucault se distingue de « la plupart des auteurs postmodernes », selon l’expression qui figure au début de l’extrait choisi. Voici ce que Bouveresse a réellement voulu dire : « Celui qui a excellé jusqu’à la virtuosité dans ce genre d’exercice me semble être précisément Foucault. »

Au tout début de l’article, la plume de Bouveresse a déjà cédé à l’attrait de notre irrésistible locution : « Musil, qui est l’auteur d’un des comptes rendus critiques les plus remarquables qui aient été écrits à propos du Déclin de l’Occident, a choisi de traiter Spengler avant tout comme un symptôme, qui en dit probablement bien plus en fin de compte sur l’époque que sur l’auteur lui-même. » (Revue Agone, n° 48, p. 163.) Quel dommage de diluer ainsi la formulation de ce qu’on veut dire ! Car tout le texte de Bouveresse montre que la phrase signifie en réalité : « Musil, qui est l’auteur du compte rendu critique le plus remarquable qui ait été écrit à propos du Déclin de l’Occident… ». Et la suite aurait gagné à être délestée d’au moins un des adverbes qu’elle contient : probablement, en fin de compte.

Nonobstant ces menues défaillances stylistiques d’un philosophe dont la syntaxe est généralement irréprochable, la conférence dont j’ai tiré les phrases qu’on vient d’analyser est à lire absolument. Bouveresse s’y demande pourquoi les modernes ne lisent plus Le déclin de l’Occident, alors que nombre de ces modernes – ou « postmodernes », dont Foucault, – ont prétendu légitimer le même relativisme idéologique et le même historicisme radical qu’Oswald Spengler…

 

Bref, lorsque nous constatons que le tour « un des… » ou « un de ces… » nous est sorti de la plume, tâchons de nous rappeler qu’il est souvent possible de trouver mieux.

 

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