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27 mars 2010 6 27 /03 /mars /2010 00:28

À l’heure où chacun met une majuscule à toutes sortes de mots qui naguère n’en prenaient pas, à l’heure où l’on fait précéder d’un zéro tout nombre inférieur à dix et où l’on écrit en chiffres ce qui s’écrivait en lettres, à l’heure où l’on imprime les patronymes en capitales à l’intérieur des phrases, à l’heure où l’on coupe les mots n’importe comment en bout de ligne (y compris les noms propres ; et même les noms propres composés, déjà pourvus d’un trait d’union entre deux éléments) ; à l’heure où l’on va parfois jusqu’à abandonner les traits d’union : comment ne pas perdre courage ? Notre crise d’identité, c’est par là qu’elle a commencé, par l’oubli des contraintes élémentaires de l’orthographe.

L’oubli de notre identité, rien ne le manifeste mieux que la désinvolture avec laquelle nous écrivons aujourd’hui notre langue. Mais, plus que d’une désinvolture, il s’agit d’un mimétisme de l’erreur, d’une soumission aveugle à tout ce qui surgit dans l’air du temps. À quelle vitesse ceux qui ont appris à bien écrire désapprennent ce qu’ils savaient, pour adopter la parlure à la mode, fût-elle aberrante ! Nous oublions que le français est la langue d’Aragon, de Balzac, de Saint-Simon, de Racine, de Rabelais, tous orfèvres de la syntaxe, à la fois maîtres et ouvriers quant au travail du style.

À vous tous, lecteurs, et à vous aussi, écrivains, – à vous tous comme à moi-même, chaque jour, – j’adresse ces recommandations ou cette supplique : observons bien, écoutons mieux, n’adoptons pas tous les usages nouveaux qui nous assiègent les oreilles, gardons la mémoire de la langue que nous avons lue, qu’on nous a apprise ; ne soyons pas sourds à nos propres paroles, ni aveugles aux signes que notre main trace sur nos pages. Et ne soyons pas de ces gens, dont parlait Valéry, « pour qui les dictionnaires n’existent pas ».

 

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