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23 juillet 2010 5 23 /07 /juillet /2010 01:15

 

J’estime qu’un homme d’un certain âge devrait tout de même savoir que la langue constitue un héritage légué par nos ancêtres, un héritage que nous devons à notre tour transmettre à nos descendants, et qu’il faut respecter comme quelque chose de sacré, d’inestimable et d’inviolable. Si vos oreilles se sont assourdies, renseignez-vous, consultez des dictionnaires, utilisez de bonnes grammaires, mais ne courez pas ainsi de péché en péché !

 

Nietzsche, Considérations inactuelles, I

(traduction de Pierre Rusch, éditions Gallimard).

 

 

Laissons de côté, je ne dis même pas les simples inadvertances, mais la correction grammaticale ; c’est une qualité utile mais négative (un bon élève, chargé de relire les épreuves de Flaubert, eût été capable d’en effacer bien des fautes). En tout cas il y a une beauté grammaticale (comme il y a une beauté morale, dramatique, etc.), qui n’a rien à voir avec la correction. C’est d’une beauté de ce genre que Flaubert devait accoucher laborieusement.

 

Marcel Proust, À propos du « style » de Flaubert

(Nouvelle Revue française, 1920).

 

L’auteur renonce à joindre à ce livre la liste des erreurs typographiques qu’il contient […]. Il regrette seulement que cela rende inappréciable au lecteur les fautes d’orthographe et les fautes de français faites délibérément dans l’espoir d’obtenir de ce lecteur les plaisants hurlements qui légitiment son existence.

 

Aragon, Traité du style (Gallimard, 1928), « Texte inséré

 à la demande de l’auteur dans la 1re édition ».

 

Au reste, piquant des rages rouges devant mes manuscrits pleins de fautes d’orthographe. J’avais beau expliquer que j’étais devenu écrivain par ignorance de la grammaire et de l’orthographe, pour avoir à ma disposition des correcteurs professionnels, qui corrigeaient mes fautes et les rendaient invisibles, Paul [Éluard] m’excommuniait pendant dix minutes quand il découvrait pour la centième fois que je ne savais pas s’il faut deux p ou deux l à appeler, et que je trébuchais sur la règle de l’accord des participes : « C’est on-teux ! C’est on-teux ! » répétait-il.

 

Claude Roy, Nous (Gallimard, 1972),

« Cours naturel d’Éluard ».

 

Aujourd’hui, les plaidoyers pour la francophonie me paraissent de bien douloureux chants du cygne tant je constate partout, sinon le recul de la francophonie sur la planète [sic], du moins, plus grave à mes yeux, une certaine haine de la langue française savamment entretenue par d’aucuns dont le métier consiste pourtant à écrire des livres ou à en parler. Une récente génération d’écrivains, autant qu’une nuée de journalistes qui parasitent l’oral et l’écrit, procèdent jour après jour à la destruction lente, patiente, mais efficace de la langue française en la maltraitant, en la brutalisant, en la traitant comme une vieille chose détestable.

 

Michel Onfray, L’Archipel des comètes (Grasset, 2001),

« Sur la haine de la langue française ».

 

D’où mon irritation devant l’impunité dans laquelle se trouvent les fossoyeurs de la langue française. Les uns en signant des livres ni faits ni à faire, remplis de solécismes, de barbarismes, de trivialités, rédigés dans des syntaxes approximatives, truffés de néologismes, recyclant le vocabulaire indigent de la vie quotidienne la plus pauvre – sans parler du contenu à l’avenant ; les autres en rendant compte de ces ouvrages dans la presse écrite soit en célébrant leurs qualités littéraires (!), soit en choisissant pour cible d’autres ouvrages, leurs très exacts contrepoints [sic], coupables d’être trop écrits (!).

 

Michel Onfray, ibid.

 

Je n’envisage pas la défense de la langue sur le mode gendarmesque en donnant des leçons nommément, en établissant des rapports de police, en distribuant bons et mauvais points, en m’alignant sur les méthodes disciplinaires. Je ne me soucie pas d’amender et de ramener à la raison syntaxique, de tancer ou de distribuer des médailles du mérite littéraire. Je ne considère pas la langue comme une occasion de distinction mondaine, de politesse de classe ou de reconnaissance sociale. Je n’endosserai pas les habits du professeur perclus de ressentiment, toujours actif dans la condamnation, un crayon rouge à la main. Je m’imagine mal corrigeant la copie de plus grands que moi, ou d’écrivains de ma génération. Il me suffit de refermer les livres dans lesquels grouillent les symptômes que j’ai pointés – et d’en quérir d’autres, ou de revenir à mes amours littéraires.

 

Michel Onfray, ibid.

 

 

En conseillant une correction à un auteur, on ne fait tout au plus que lui faire voir plus vite ce qu’il aurait découvert seul.

 

Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature française

(Grasset, 2005) ; article « Monologue intérieur ».

 

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